“Tandis que je travaillais à mon arbre généalogique, j’ai compris l’étrange communauté de destin qui me rattache à mes ancêtres. J’ai très fortement le sentiment d’être sous l’influence de choses ou de problèmes qui furent incomplets ou sans réponse par mes parents, mes grands-parents et mes autres ancêtres”

— C. G. Jung “Ma vie”

Les membres de votre famille développent-ils une maladie identique au même âge ? Y a-t-il des décès survenant dans des circonstances similaires à travers les générations ? Les fausses couches se répètent-elles  ? Les familles comportent-elles le même nombre d’enfants ? Le même espacement entre les naissances ? Portez-vous le(s) nom(s) d’un de vos grand-parents ? Etes-vous né.e le même jour qu’un de vos ascendants ? Les seconds de familles meurent-ils d’une génération à l’autre ? Avez-vous fait faillite au même âge que votre père ? Etes-vous animé.e d’une colère dont vous ne comprenez pas l’origine ? La même profession s’exerce-t-elle de père en fils ?

Ces phénomènes de répétitions s’expliquent peut-être par les liens transgénérationnels. C’est l’hypothèse posée par ce livre.  Développée dans les années 1970 par Anne Ancelin Schützenberger, la « psychogénéalogie » est une théorie selon laquelle nous portons les traumatismes, secrets ou conflits vécus par nos ascendants. Mûs  par une « loyauté familiale invisible », nous serions les acteurs inconscients d’une pièce de théâtre dans laquelle nous sommes appelés à réparer une injustice, remplacer quelqu’un, continuer une mission inachevée ou encore répéter un évènement traumatique ou injuste pour qu’on ne l’oublie pas.  Tout se passe comme s’il y avait une transmission psychique de génération en génération de tout ce qui n’a pas été dit ou digéré émotionnellement.

Les liens entre les personnes, dates, situations et événements sont établis à l’aide d’un génosociogramme. Il s’agit d’une représentation imagée de l’arbre généalogique épinglant les faits marquants, les événements de vie importants (mariage, veuvage, divorce, naissance, déménagement, mort, séparation, déracinement, etc.) tout en soulignant les liens affectifs, le contexte historique, socio-économique, politique, culturel, militaire, sportif et artistique.  Ce travail met à jour d’éventuelles rancunes, permet de prendre conscience que nous avons parfois été identifiés à un membre de la famille décédé de manière tragique ou disparu, de comprendre qu’une force invisible dirige nos actions.

L’objectif de ce travail est de rendre visibles et conscients les programmes familiaux afin de redevenir libres de poser des choix individuels sans être assujetti à une forme de loyauté familiale inconsciente. L’idée est de soulager l’inconscient familial et personnel, ce qui amène certains praticiens en psychogénéalogie à proposer aux personnes qui les consultent de poser des actes symboliques tels qu’établir des actes de décès et/ou creuser des sépultures, écrire des lettres, façonner des personnages en pâte à modeler, boire un philtre d’amour, faire dire une messe, etc. La manière dont ces actes sont prescrits me fait penser à une forme de magie que pratiquerait un mage à l’aide de son grimoire.  Si, à titre personnel, je préfèrerais une forme moins dogmatique de prescription, l’essentiel est, probablement, que cela fonctionne… Le plus important me semble résider dans l’intention et l’énergie dont la personne est animée au moment où elle pose l’acte symbolique.

Parfois, les liens transgénérationnels se font tout seuls, sans que la consultation d’un praticien en psychogénéalogie s’avère nécessaire. Dans ces circonstances, poser un acte symbolique s’impose parfois comme une évidence. Si le faire seul est inconfortable, il peut être intéressant de se faire accompagner, idéalement par un.e thérapeute pour réfléchir à ce qui fait sens pour nous, de manière à l’intégrer au plus profond de nous-même.

Conclusion

« Découvrir d’où l’on vient, retrouver qui on est et de quoi on a hérité »: c’est la démarche proposée par l’approche transgénérationnelle. Que cela soit à l’occasion d’un décès, d’un accident, d’une maladie ou de tout autre événement; lorsqu’émerge la question de notre identité, l’exploration des liens généalogiques m’apparait comme indispensable. L’on ne peut définir le futur qu’après avoir identifié ce que nous portons, ce qui nous constitue, comprendre la place que nous occupons dans la lignée familiale et la mission dont nous avons été inconsciemment investis.

Au-delà de la question de l’identité, se pose celle de la libération de l’arbre généalogique.  Si des traumas se répètent de génération en génération, n’est-il pas de notre responsabilité individuelle d’en chercher l’origine pour en éviter la transmission aux générations futures ? Je pense même qu’il s’agit d’une responsabilité collective.  Comme le dit Anne Ancelin Schützenberger, « si l’on guérit un individu sans toucher à l’ensemble de la famille, si l’on n’a pas compris les répétitions transgénérationnelles, on n’a pas fait grand-chose en thérapie (…) On s’aperçoit que, pour que les gens changent vraiment et de façon durable, il faut que le système familial, social et professionnel les laisse changer, que les croyances changent.  (…) On peut presque prédire que « si l’on ne soigne pas l’arbre généalogique », il y aura répétions du « mauvais événement », mais on ne peut prédire lequel des enfants d’une fratrie ou d’un groupe de cousins prendra sur lui la loyauté familiale invisible; c’est une répétition que l’on contacte a posteriori, dans l’état actuel des connaissances  C’est aussi ce que nous appelons un syndrome d’anniversaire ». 

Questions

  • Quelle est la souffrance familiale chez vous ? Quelle en est son origine ?
  • Quels sont les tabous dans votre famille ? De quoi ne peut-on pas parler ? Comme le disait Françoise Dolto, « Ce qui est tu à la première génération, la deuxième le porte dans son corps ».
  • Quelles sont les répétitions que vous avez pu observer ?
  • Y a-t-il une récurrence de morts violentes ? d’accidents? de maladies ? de fausses-couches ? d’orphelins ? de femmes mortes en couches ? d’alcoolisme ? de divorces ? de disputes lors de successions ? d’inceste ?
  • Par quel acte symbolique pourriez-vous réparer la souffrance familiale transgénérationnelle ? qu’est-ce qui fait sens pour vous ?
  • De quel projet inconscient vos parents vous ont-ils investi ? qu’ont-ils rêvé que vous soyez ? qu’ont-ils fantasmé sur vous ?
  • De quoi vous ont-ils investi en vous donnant le prénom que vous portez ?
  • Quel était le contexte familial, social, politique, culturel, historique et affectif au moment de votre conception, de votre naissance et de votre première année de vie ?
  • Quelles sont les croyances familiales qui se transmettent de génération en génération ? Quelles incidences ces croyances ont-elles sur votre vie professionnelle, affective, sociale ? Quelle est l’origine de ces croyances ? Comment les renverser ?

Pour aller plus loin

Il existe des formations en psychogénéalogie, dispensées à l’IBK par une enseignante qui consulte également en la matière (voy. ici). Certaines personnes ayant suivi cette formation consultent à Bruxelles (voy. par exemple ici). Des praticiens en constellations familiales utilisent également le génosociogramme. Si vous préférez recourir à une approche corporelle, la kinésiologie, l’EMDR, la micro-ostéopathie ou la microkiné peuvent également être des pistes. Si ces méthodes permettent de guérir certains traumas transgénérationnels, elles ne sont néanmoins pas en mesure d’en identifier l’origine, contrairement à ce que l’étude du génosociogramme peut apporter.

Pour continuer à lire sur le sujet

  • “Chronogénéalogie” d’Elisabeth Horowitz.
  • Pour vous aider à questionner le “projet-sens”, c’est-à-dire ce pour quoi vous avez été programmé, ce qui se joue dans les mois qui ont précédé la conception, la période intra-utérine, la naissance jusqu’à la fin de la première année de vie, vous pouvez vous référer au livre “Les fondations de l’être” de Marie-Noëlle Maston-Lerat.
  • Si votre arbre généalogie comprend une mort, perçue comme injuste, injustifiable et traumatique, dont le deuil n’a pas été fait, référez-vous au livre: « Le syndrome du gisant » du Dr Salomon Sellam.
  • Pour se plonger dans les pensées d’un précurseur de la psychogénéalogie, telle qu’on la connait aujourd’hui, lisez  « Ma vie » de Jung.

Nous pouvons, une vie durant, penser que nous vivons nos propres idées sans découvrir jamais que nous n’avons été que des figurants sur la scène du théâtre universel. Car il y a des faits que nous ignorons et qui pourtant influencent notre vie, et ce d’autant plus qu’ils sont inconscients

— C. G. Jung “Ma vie”