La connaissance de soi mène à la confiance en soi

— Charles Pépin

Lire l’ouvrage de Charles Pépin après l’essai de Mona Chollet « Sorcières.  La puissance invaincue des femmes », fut une évidence, propice à adoucir les sillons que cet essai avait imprégnés en moi.  Se revendiquant féministe, Charles Pépin a volontairement permuté les exemples masculins de son essai pour offrir à ses lectrices des modèles auxquels s’identifier.  Federer s’est  ainsi incliné face aux soeurs Williams tandis que Bruce Springsteen s’est effacé devant Madonna. 

La confiance en soi peu paraitre un concept quelque peu galvaudé.  Fréquemment invoquée dans les discours de développement personnel et au coeur des préoccupations des personnes que j’accompagne, elle semble perçue comme la faille à combler, sans que l’on sache nécessairement identifier le domaine ou le contexte dans lequel elle fait défaut, ni ce que l’on souhaite exactement à la place.  Charles Pépin en sonde les profondeurs sous un angle philosophique et n’hésite pas à en renforcer l’assise par l’apport de psychologues, psychanalystes, pédagogues, sportifs et poètes.

Selon l’auteur, la confiance en soi relève d’une alchimie tripartite: 

  1. Confiance en l’autre
  2. Confiance en ses propres capacités
  3. Confiance en la vie

La confiance en l’autre (dimension relationnelle)

« On prend confiance en soi dans le regard de l’autre, dans son sourire ».  La relation est première dans la question de la confiance en soi.  C’est ce qu’explique Charles Pépin lorsqu’il démontre l’importance des premières interactions de la vie, dont dépend la sécurité affective.  Si la qualité de l’attention portée à l’enfant et l’amour inconditionnel sont au rendez-vous, la sécurité intérieure permet à l’enfant de passer à l’action.  Etre aimé pour qui il est et non pour ce qu’il fait est un tremplin qui va permettre à l’enfant de se projeter dans l’avenir. 

Si un déficit affectif caractérise ces premières années, Pépin se veut rassurant: « il n’est jamais trop tard pour tisser les liens qui nous manquaient.  Mais cela suppose de bien se connaître pour être conscient de ce manque et de la nécessité de le compenser ». Dans ce cas de figure, le manque de confiance n’est pas imputable à soi mais à l’autre, cet autre qui, n’a pas pu apporter à l’enfant, devenu adulte depuis lors, cette sécurité intérieure.

La confiance en ses propres capacités (dimension de compétence)

« Bien souvent, lorsque nous avons du mal à trouver la confiance, nous pensons plus ou moins implicitement que nous ne sommes pas doués, que nous n’avons pas suffisamment de talent, alors que nous ne sommes tout simplement pas assez entrainés ».  

C’est au terme d’un entrainement intensif que les soeurs Williams sont devenues les meilleures joueuses du monde, qu’elles ont acquis une confiance en elles qui dépasse la sphère tennistique.  La compétence qu’elles ont développé leur permet, non seulement de répéter leurs techniques avec brio mais surtout d’y intégrer la créativité qui donne à chacune sa spécificité.

L’action que l’on pose sur le monde est au coeur de cette dimension de la confiance en soi. Passer à l’action permet de s’ouvrir au monde, aux autres, au réel et ainsi, d’en observer les effets.

Le travail manuel, par le contact avec la matière – à travers le jardinage, la cuisine, le bricolage, la couture, la peinture, etc. – est une voie d’accès royale pour reprendre confiance en ses capacités et ainsi, se sentir heureux grâce à la perception que l’on a des effets de son travail sur le monde.  Retrouver un rapport premier aux choses et se reconnecter au monde du « faire » permettent de jouir d’une reconnaissance directe du travail accompli et de ressentir de la fierté.

Evoquant l’écrivain chilienne Isabel Allende, Pepin affirme que ce n’est pas la confiance en elle qui lui a permis de se lancer dans une carrière littéraire mais c’est l’action qui la libérée du manque de légitimité qui la tenaillait.  L’action libère de l’angoisse qui peut précéder toute prise de décision audacieuse.  « Elle n’y est pas allée parce qu’elle avait confiance en elle.  Mais c’est parce qu’elle y est allée qu’elle s’est libérée »

A l’action, il convient d’allier le plaisir, à défaut duquel, le travail prend des allures d’acharnement stérile et peine à déboucher sur une véritable confiance en soi. Identifier précisément ce qui est source de plaisir requiert d’apprendre à se connaître.  C’est à nouveau la connaissance de soi qui est l’élément central de la démarche.  « Un bon travail, selon Aristote, doit pouvoir procurer du plaisir à celui ou celle qui s’y adonne, et son excellence doit pouvoir être jugée par les autres de manière directe »

Même si Pépin ne les structure pas de la sorte, cette deuxième dimension de la confiance en soi, liée à nos capacités, se décline en quatre piliers: 

L’intuition

Chercher à atteindre un objectif est une quête au coeur de laquelle identifier le désir qui est à l’oeuvre requiert d’apprendre à s’écouter.  C’est en développant une présence à soi-même, à travers une thérapie, un sport, une lecture, du yoga, etc., que l’on apprend à tenir debout seul et à se libérer des dogmes, traditions, croyances et toute autre forme d’assujettissement à une norme de pensée ou de comportement.

La beauté

A travers l’expérience de l’émerveillement que suscitent un paysage, une musique ou une oeuvre d’art, se vit une forme de confiance en soi.  Face à la certitude de la beauté, tout doute s’évapore.  L’expérience esthétique connecte l’ensemble de notre être à un sentiment d’éternité que prolonge un élan de communion universelle.  « Ici, la beauté de la nature fait plus que nous autoriser à la juger.  Elle nous emplit d’elle-même au point de nous donner la force de croire en nous ».

Le doute

C’est au coeur du doute que se révèle notre capacité à faire preuve de confiance.  Le doute est ce qui caractérise la prise de décision et qui l’en distingue du choix.  Décider implique de prendre une direction malgré le brouillard de l’incertitude et d’ainsi faire usage de sa liberté tandis que choisir relève d’un exercice rationnel, opéré sur la base de critères objectifs.  La distinction est essentielle et trop souvent ignorée.  Pépin rappelle que c’est l’incertitude qui donne à la vie ses couleurs et nous invite dés lors à chérir la part d’aléa inhérente à toute décision.  Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’avec un peu d’exercice, on peut apprendre à ressentir au coeur de nous-mêmes ce vers quoi la vie nous appelle.  Le corps est un étalon d’excellence pour apprendre à décider.

La confiance en la vie ? dans le mystère ? 

Déjà présente lorsque Pépin évoque la beauté dans laquelle elle puise et le doute dont elle se nourrit, cette troisième dimension de la confiance en soi évoque une « force divine » ou un « élan vital », peu importe, qui nous dépasse et desquels découlent toutes les dimensions de la confiance.  Faire confiance en la vie, c’est être intimement convaincu que, malgré les difficultés, la vie est bonne. C’est croire en l’avenir, faire du doute son allié, ouvrir les portes à la créativité, sortir de sa zone de confort et comprendre, une bonne fois pour toutes, que l’on ne maitrise pas grand chose sur cette terre, malgré ce que l’on croit…

Conclusion

Parmi toutes les lectures qui jalonnent ce blog, c’est peut-être celle-ci qui exprime le mieux ce que je fais sur mon lopin de blogosphère.  Pépin parle de ce double mouvement qui consiste à se ressourcer dans sa zone de confort pour en sortir; y revenir, en ressortir.  C’est en quelque sorte ce que je fais.  J’expérimente ce que je ressens lorsque je partage les lectures qui me façonnent. Je m’arrête de moins en moins à ce que l’on peut penser de moi et, graduellement, je me livre d’avantage. Je puise dans mes lectures des enseignements pour mieux appréhender la vie.  En transmettant ce que j’en retire, c’est à l’écoute de moi que je prête l’oreille.  Chaque lecture m’aide à devenir un peu plus qui je suis et chaque transmission vous aide, je le souhaite, à en faire autant.

Pour aller plus loin

  • Avez-vous pu, dans votre enfance, trouver un socle de confiance dans le regard d’un adulte ? Si ce n’est pas le cas, qu’avez-vous mis en place pour pallier cette carence précoce ?
  • Quelle place le travail manuel occupe-t-il dans votre quotidien ? Vous procure-t-il du plaisir ?
  • Comment remettre du plaisir dans votre travail ?
  • A travers quel(s) rituel(s) développez-vous la connaissance de vous-même ? Une thérapie? un sport ? l’écriture ? la lecture ? …

Et si vous avez envie d’écouter Charles Pépin, interrogé dans le podcast Réelles, voici le lien: https://soundcloud.com/reelles/charles-pepin